Partie vers le Père

Ceci est un échange de mail avec un Monsieur veuf qui nous dit, avec beaucoup de pudeur et de courage, son désarroi, malgré la grande Foi que son épouse et lui ont partagée tout au long de leur vie.

Partie vers le Père

 

Cet article est un échange de mail avec un Monsieur récemment veuf qui nous dit, avec beaucoup de pudeur et de courage, son désarroi, malgré la grande Foi que son épouse et lui ont partagée tout au long de leurs vies.

 

Nous publions ces mails, à priori privés qui auraient dû rester dans le silence de Dieu, parce que nous pensons qu'ils peuvent éclairer des personnes qui vivent de similaires choses.

 

Nous avons estompé les noms des personnes concernées afin de préserver l'intimité de ces propos très personnels qui touchent à la fine pointe de chacun : l'essence même de notre Foi et de nos Faiblesses, le lieu où le Seigneur, qui a fait sa demeure en l'Homme, est le plus uni à notre cœur et à notre âme.

Lundi 6 octobre 2014

" Madame, vous m'avez contacté il y a quelques jours et je vous ai indiqué que je vis mal la mort de mon épouse décédée en février après plus de quatre ans de cancer ;
ce matin, j'ignore pourquoi, j'ai éprouvé aujourd'hui l'envie d'écrire cette relation si difficile entre la mort et la foi en la résurrection.

Je ne pense pas que ce témoignage puisse faire l'objet d'une publication tant il enfonce de lieux communs mais puisque je vous en avais parlé, je vous envoie ce texte : 

 

Jusqu’à cette année, la fratrie de ma génération  se réunissait à Paris à la Toussaint  pour consacrer un  temps à nos parents ; 
voilà que maintenant  nos propres enfants vont venir en région bordelaise pour que nous soyons réunis pour prier pour mon épouse morte dans l’année.

Mon témoignage n’engage que moi évidemment.

 

La mort de mon épouse, c’est son arrachement à la vie sur terre et en particulier son détachement de moi, de la famille et de tous ceux qui l’ont tant entourée et qu’elle aimait, ô combien !

 

La résurrection de Jésus est décrite comme l’abandon des lois de la corporéité, de l’espace et du temps.

Pourtant, même après sa mort,  Jésus fut reconnu comme vivant mais autre, mais divin.

 

Voilà la raison de la souffrance pour le survivant : il sait qu’il ne verra plus l’autre tel qu’il l’a connue et vécue pendant tant d’années;

Réaliser que mon épouse est perdue pour toujours telle que je l’ai vue et aimée.

 

Je crois et dois croire que je pourrais la retrouver, mais comme les disciples sur le chemin d'Emmaüs, je ne la reconnaîtrai pas et ceci m’est insupportable.

 

Je finis par me persuader qu’elle est proche de Dieu  et que c’est tant mieux pour elle mais j’ai dans le cœur la souffrance de mon lien pour elle définitivement cassé.

 

Cette résurrection de Jésus un dimanche, c’est le passage du « Sabbat » juif au  « Jour du  Seigneur » des chrétiens ;

voilà pourquoi, pour moi, chaque dimanche, la foi en la résurrection est en même temps totale Espérance et complète Déchirure car la résurrection est précédée par la mort. »

Mercredi 8 octobre 2014

 

Pardon d’avoir tardé à vous répondre, Monsieur. Votre texte m’a beaucoup touchée.

Je le mettrai dans le site et ne manquerai pas de vous en envoyer le lien car beaucoup de gens vivent la même chose que vous et cela me semble important de leur dire qu’ils ne sont pas seuls dans la souffrance.

 

Nous ne vous oublions pas et nous prierons pour vous mardi matin à la messe de Salleboeuf et soyez certain que votre épouse n’attendra pas cette date pour, du haut du Ciel, se pencher sur vous afin de vous envoyer cette Paix du Seigneur dans laquelle elle repose en vous attendant.

 

Oui, les disciples n’ont pas reconnu Jésus au prime abord sur le chemin d’Emmaüs ... jusqu’à ce qu’ils le reconnaissent vraiment !!!

 

Moi-même je suis partie du Maroc où je vivais en 1977 (à 18 ans) et quand j’y suis retournée en 1986 (à 27 ans), beaucoup de gens ne m’ont pas reconnue (on change à cet âge-là) et pourtant, mo je n’avais traversé que le détroit de Gibraltar.

Alors vous imaginez quand on traverse la mort !

 

Bien sûr que votre épouse aura changé mais ce sera toujours elle !
L’essence de celle qu’elle était n’aura pas changé et l’amour qui vous a uni sera toujours là et vivant !

 

C’est comme si, en étant enfants, on aimait ses parents alors qu’ils ont 30 ou 40 ans et qu’on craigne ne plus les aimer parce qu’ils sont différents quand ils ont 50 ou 60 ans !!!

 

Ils sont différents puisqu'ils ont vieilli mais notre amour pour eux est toujours là.
Notre amour est certes différent aussi (parce qu’on les comprend mieux en étant nous-mêmes parents) mais toujours là.

 

Et on ne se perd pas parce que notre lien, notre corde de sécurité est l’Amour.

 

C’est comme si votre épouse était devenue la première de cordée et qu’elle guide ensuite toute sa famille vers le sommet du Ciel, vers le Seigneur.

 

Si elle avait vécu 10 années de plus, l’auriez-vous moins aimée pour quelques rides supplémentaires ?

Non, parce que c’était elle que vous aimiez et non pas son reflet.

 

Vous aimiez l’essence de ce qu’elle était parce que vous l’aimiez vraiment, en vérité.

 

C’est un privilège que beaucoup ne connaissent pas car ils aiment superficiellement et quand l’âge, la maladie ou la routine s’installent ils lâchent la cordée au lieu de chercher de nouveaux pitons pour continuer la route.

 

Ne vous inquiétez pas : vous la retrouverez, changée, purifiée, magnifiée par sa plus grande ressemblance avec le Père, tout comme vous aussi vous serez changé, purifié, magnifié par votre plus grande ressemblance avec le Père quand vous aussi vous l’aurez rejointe et comme je serai, comme nous serons tous, changés, purifiés, magnifiés .......

 

C’est ma foi ... et celle de l’Eglise.
Ça s’appelle la vie éternelle.  
Et c’est à cela que nous sommes appelés dans la Tendresse et la Miséricorde infinies de Dieu.

 

Mais cela n’empêche pas la souffrance, parfois le désespoir quand les gens que nous aimons s’en vont.
Séparation odieuse.
Perte de tous nos repères.
Perte parfois du goût du sel de la vie....

Oh je pourrais vous raconter ça en détail .... mais c’est inutile : vous savez ce que c’est.

 

Continuer la route alors que le poids de notre tristesse nous plombe.

Continuer à cloche pied, la cloche-cœur parce que l’autre n’est plus.
Continuer parce que tel est le chemin que Dieu nous donne de vivre afin que nous puissions témoigner justement de cet amour qui nous met le cœur en sang.

Témoigner qu’il y a un au-delà de la mort parce qu’elle a été vaincue sur la Croix....

 

Alors nous puisons notre courage en celle (ou celui) qui nous a précédé en partant avant nous vers notre Seigneur, nous puisons notre espérance en Christ qui est passé par ce chemin détestable.

Nous puisons notre courage en Marie parce que, comme elle qui a pleuré pendant le martyre de son Fils et devant Son Corps sans vie, nous aussi nous n’avons plus de larmes et sept épées nous transpercent le cœur.
Et nous demandons à l’Esprit-Saint de souffler sur notre âme brûlante de peine pour la rendre fraîche et blanche comme la colombe de Paix.

 

Et nous nous réfugions dans les bras de notre Père : Il sait essuyer le nez des enfants qui pleurent en disant “Papa, pourquoi ? Pourquoi cette odieuse mort et cette odieuse souffrance?”.
Il sait consoler ses enfants, même s’Il ne donne pas de réponse immédiate.

 

Désespoir, oui, c’est humain.
Jésus lui-même, vrai Dieu et vrai homme, a crié “Aba, Père, pourquoi m’as-tu abandonné? 
Papa, pourquoi, même si je sais que c’est pour annoncer ton royaume (psaume 22)?”

 

Désespoir, oui ... mais pas “désespérance” car notre Espérance est au-delà de la mort.

Insupportable mort, odieuse mort, vaincue mais pas abolie parce que c’est un passage obligé pour une vie de plénitude.

 

Les chenilles deviennent chrysalides puis elles doivent réussir à sortir du cocon pour devenir papillons.
Mais si on déchire le cocon pour aider la chrysalide à passer (en trouvant que c’est trop difficile pour une si petite bestiole de se torturer comme ça pour réussir sortir), elle ne pourra jamais devenir un papillon car c’est dans le cocon qu’il y a une substance qui “poudre” leurs ailes et leur permet de voler.

C’est en mourant à leur état de chrysalide, en se frottant au cocon avec beaucoup de difficultés pour s’en délivrer, qu’elles deviennent papillons magnifiques.

 

Pour nous c’est pareil : nous ne pouvons pas faire l’économie de la mort même si elle nous est odieuse.

C’est le passage obligé qui nous mène au Ciel, passage odieusement difficile qui nous poudre les ailes pour nous permettre de nous envoler dans la joie du Père.

 

 

En Dieu, votre épouse prie pour vous, mieux qu’elle ne l’a fait pendant toute sa vie.

Et comment voulez-vous que le Seigneur ne l’entende pas, maintenant qu’elle murmure à Son oreille ???

 

Et vous, maintenant, vous avez l’autre moitié de votre cœur (ils ne feront plus qu’une seule chair) qui regarde le Seigneur, votre Seigneur, notre Seigneur face à Face.

VOTRE cœur déjà en face à face avec la Trinité par la grâce d’avoir eu (prénom de la défunte) pour épouse.

 

Que la Paix de Dieu ruisselle sur vous, Monsieur, pour apaiser cette douleur insupportable de l’absence et de la séparation, cette horreur de la mort traversée si difficilement, ce bouleversement du quotidien qui n’est qu’un pâle reflet du bouleversement de notre âme dans ces moments-là.

 

N’hésitez pas à nous faire signe : vous avez des frères et sœurs qui, même s’ils ne peuvent rien dire pour vous consoler, (car c’est au-delà des mots et au-delà de la consolation) peuvent être présence à côté de vous.

Vous n’êtes pas seul.

 

Lundi 13 octobre, à 14h30 à l’église de Salleboeuf, il y a la prière de Montligeon pour les défunts, comme toujours animée par Nicole et Marie-Line.

 

Nous y prierons pour vous.

Nous prierons pour et avec votre épouse.

Ça aussi, c’est la grâce de l’Amour, la grâce du Ciel : la Communion des Saints.

 

Gardez Foi et Courage.