Réflexion sur le blasphème

Lorem ipsum dolor sit amet

Partager sur: Partager sur Twitter Partager sur Facebook Partager sur Google+

Qu'est-ce que le "Blasphème" ? Marc 3, 29 : « ... Si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il reste sans pardon à jamais : il est coupable pour toujours. » Pour réfléchir au blasphème, une réflexion de D. CHOTEAU, un texte de JC GUILLEBEAU, un extrait du Dictionnaire de la Laïcité écrit par JL MELENCHON, un mémo d'étude philosophique sur le blasphème et le Sacrilège.

Réflexion sur le blasphème

 

Définition du Blasphème :


Étymologiquement le terme blasphème, vient du latin blasphemia, traduction du grec βλασφημία - mot constitué de ἡ βλάπτειν (injurier) et φήμη/φάμα (réputation) - ainsi la signification littérale de blasphemia était "faire injure à la réputation", soit : diffamer.

 

La notion évolue au cours des siècles pour aboutir au concept que le blasphème ne devra plus concerner que l'injure appliquée au fait religieux ; ainsi au xvie siècle le théologien espagnol Francisco Suárez définit le blasphème comme étant « toute parole de malédiction, reproche ou irrespect prononcé contre Dieu ».

En 1913, l’Encyclopédie catholique, soutient à nouveau que le blasphème ne doit s'intéresser qu'au domaine de la religion ; « tandis que le blasphème, étymologiquement, peut diffamer aussi bien une créature que ce qui appartient à Dieu, dans sa stricte acception il n'est utilisé que dans ce dernier sens ».

 

Le blasphème est enfin défini par le Larousse comme étant « une parole ou discours qui outrage la divinité, la religion ou ce qui est considéré comme respectable ou sacré ».
 

Utilisé dans un cadre plus général, le blasphème est une irrévérence à ce qui est considéré comme sacré ou inviolable.

(Merci Wikipédia !)


Qu'est-ce que le "Blasphème" ?


QUATRE PARTIES POUR Y RÉFLÉCHIR

1° - Une réflexion de D. CHOTEAU qui ouvre le sujet pour une approche chrétienne du blasphème

2° - Un texte de JC GUILLEBEAU : "Blasphème et Charlie Hebdo"

3° - Un extrait du Dictionnaire de la Laïcité écrit par JL MELENCHON :
"le blasphème n'existe pas en république"

4° - Mémo d'étude philosophique sur le blasphème et le Sacrilège

 

Les illustrations choisies ci-dessous sont volontairement provocantes :
Quand le 'blasphème' n'est qu'une provocation gratuite.
Pourquoi me font-elles réagir (ou pas) ?

Qu'est-ce qui 'bouge' en moi (ou pas) ?

Blasphème miracle

Réflexion de Dany CHOTEAU

En écho du 11 janvier 2015 Charlie et le terrorisme

Marc 3, 28-29 : « En vérité, en vérité je vous  déclare que tout sera pardonné aux fils des hommes, les péchés et les blasphèmes aussi nombreux qu’ils en auront proférés. Mais si quelqu’un blasphème  contre l’Esprit Saint, il reste sans pardon à jamais : il est coupable pour toujours. »

 

Toi qui caricatures ceux que j’aime, tu me fais mal.
Toi tu dis c’est pour rire… ton intention, c’est vrai, n’est pas de faire du mal... combien d’amis de nos célèbres caricaturistes de Charlie ont reconnu ce trait de gentillesse en vous…

Il est un blasphème qui sera toujours pardonné.

Entendez Jésus sur la croix :
« Père pardonne-leur, ils ne savent ce qu’ils font. »
Et pourtant c’est Dieu qu’ils crucifiaient…

Mais celui qui blasphème contre l’Esprit Saint… ne sera pas pardonné...
 

Qu’elle est la différence ?

Pour moi j’y vois une intention différente.

 

On peut tuer Dieu en croyant anéantir un dieu ridicule, mauvais...ou cette image de dieu qui pousse les adeptes à ce qui apparaît comme des inepties dont il est urgent de débarrasser la société.

 

C’était Saul sur le chemin de Damas, parti pour enchainer ces adeptes du Christ qui semblaient tellement ridicules à Saul et ses commanditaires.
Saul croyait servir la justice.
Et ce fut pardonné à Saul qui devint St Paul.

 

Mais il y a parfois des personnes que seule la volonté de détruire anime.
C’est le mal pour détruire le Bien.

 

Je ne parle pas des personnes qui ont été abîmées par les accidents de la vie, qui détruisent autour d‘elles pour survivre, mais d’un choix lucide et pervers.

 

Un choix lucide et pervers du mal pour détruire le Bien :

tel est, me semble-t-il, le péché contre l’Esprit.

Dany CHOTEAU
Janvier 2015

Blasphème stop

Mise au point de JC GUILLEBEAU


On prête à Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo, une réflexion tragi-comique.
Celle-ci : « Le droit au blasphème est sacré. »
Sans le vouloir, l’avocat mettait le doigt sur l’ambiguïté qui menace rétrospectivement cette magnifique mobilisation du 11 janvier 2015.
Fut offerte à la France, épouvantée par la barbarie des tueurs, l’occasion de se retrouver, avec elle-même, puis avec le monde.
Ce fut un grand moment à n’en pas douter. Il n’empêche que, faisant cela, nous avons concouru à sacraliser Charlie Hebdo, voire à le sanctifier.
Plusieurs hommes politiques n’ont-ils pas désigné les victimes des terroristes comme des « martyrs » ?

 

L’équipe de Charlie Hebdo entrait ainsi dans la sphère du Sacré, au sens majuscule du terme :
« Qui appartient à un domaine séparé, interdit et inviolable. »
Il devenait par conséquent blasphématoire d’émettre la moindre critique à l’endroit d’un Charlie devenu icône.
Bien rares furent les médias qui acceptèrent de relayer une seule critique, fût-elle raisonnable, à l’endroit de l’hebdo satirique.
Or, paradoxalement, le « droit au blasphème » était et reste une revendication fondatrice de ce journal. Alors ?

 

De fait, ceux qui proclamaient « Je suis Charlie » (j’en étais) oublièrent d’ajouter que, pour autant, ils n’appréciaient pas vraiment l’agressivité, pour ne pas dire pire, de ces dessins (j’en étais aussi).
Le sacré laïc qui enveloppait dorénavant le journal soustrayait à la critique, y compris amicale, ceux-là même qui avaient fait de l’insolence sans limite un dogme.

 

Certains des survivants, comme Luz, s’émurent avec lucidité de ce « contresens » (ce furent ses propres mots), mais ne furent guère entendus.
 

La seule vraie charge fut exprimée par l’un des fondateurs de l’aventure de Hara-Kiri, lancée par Cavanna en 1960 : Delfeil de Ton, lui-même intouchable. Dans L’Obs du 15 janvier, il n’hésita pas à écrire que Charb, de provocation en provocation – contre l’avis de Wolinski – avait « entraîné l’équipe dans la surenchère ». Charb, ajouta-t-il, « préférait mourir » quand d’autres « préféraient vivre ».


Pourquoi nous, chrétiens,
sommes-nous très concernés par cette question du blasphème ?

Parce que le christianisme des origines fut en lui-même une transgression de la Loi.

 

Pire : des auteurs comme Marcel Gauchet ou René Girard ont bien montré que le christianisme avait « désacralisé » peu à peu le religieux archaïque.
C’est en cela qu’il fut l’un des fondements de notre modernité.

 

Je m’autorisais parfois de mon amitié avec Cabu pour lui parler de ces chrétiens des premiers siècles, objecteurs de conscience, pacifistes et capables eux aussi d’une irrévérence trompe-la-mort. 

Ne refusaient-ils pas de célébrer le culte païen de l’empereur ?
Pour cette irrévérence blasphématoire (l’empereur était considéré comme un dieu), ils ne furent point mitraillés à la kalachnikov mais livrés aux lions.

Ils étaient « Charlie » avant la lettre.
 

Les caricaturistes survivants, comme les chrétiens que nous sommes devenus, devraient se méfier conjointement d’un retour du sacré.
 

Soutenir lucidement le nouvel hebdo sacralisé, c’est – aussi – le critiquer quand cela le mérite, quitte à blasphémer en prenant au mot sa vulgate.

Journal La Vie,  22 janvier  2015
jc.guillebaud@lavie.fr

Blasphème croix

 

En République, le blasphème n’existe pas de JL MELENCHON

 

Voici la contribution écrite par Jean-Luc Mélenchon sur le « Droit au blasphème »
dans le « Dictionnaire de la laïcité » publié chez Armand Collin.
Il rappelle qu'en République, le blasphème n'existe pas.

 

Un blasphème est un discours jugé insultant à l'égard de ce qui est vénéré par les religions ou de ce qu’elles considèrent comme sacré. Mais "le blasphème n'est scandaleux qu'aux yeux de celui qui vénère la réalité blasphémée" a dit Pierre Bayle au XVIIème siècle.
 

Aucune loi n’institue un espace sacré dont le contenu serait placé hors du champ de la loi librement débattue.
Il n'y a donc pas de blasphème "objectif".
La notion de blasphème étant strictement religieuse, il existe du point de vue d’une société laïque une liberté de pensée et d’expression qui ne reconnait pas la limite de l’espace imaginaire déclaré comme sacré par les religions.
Il n’y a donc pas de droit au blasphème puisque le blasphème n’a aucune réalité ni dans l’ordre de faits observables ni dans l’ordre juridique.
Le « droit au blasphème » est donc aussi total que celui d’injurier le Père Noël.

 

Pourtant, les religions monothéistes ont réussi à imposer la condamnation du blasphème comme une norme. On trouve la condamnation à mort du blasphème dans les textes fondamentaux du Judaïsme, Christianisme et Islam.
 

Dès un des premiers livres recueillis dans la Bible, le Lévitique (24.1016), on peut lire : "celui qui blasphémera le nom de l’Éternel sera puni de mort, toute l’assemblée le lapidera. Qu’il soit étranger ou indigène, il mourra, pour avoir blasphémé le nom de dieu"
Selon l'apôtre Jean, les Juifs voulaient lapider Jésus, parce que, étant homme, il disait être dieu, ce qu'ils estimaient être un blasphème (Jean 10 : 33). Puis les serviteurs de dieu sont aussi accusés de blasphème par Saint Marc : "Vous venez d'entendre le blasphème : que vous paraît-il? " Tous le condamnèrent (comme) méritant la mort" (Mc 14,64).


Dans le Coran, l'insulte à Allah ou la compagnie de blasphémateurs est passible de mort également : « Ceux qui injurient (offensent) Allah et Son messager, Allah les maudit ici-bas, comme dans l’au-delà et leur prépare un châtiment avilissant » [Sourate Al Ahzab 33:57]
Les religions sont donc unanimes pour condamner le blasphème, même si elles en donnent des définitions et des modalités de répression fluctuantes. Cela atteste de la subjectivité absolue du blasphème et de l’impossibilité de le réprimer notamment dans une société où se pratiquent plusieurs religions.

 

En France, le blasphème fut passible de mort jusqu'à la Révolution Française.
La victime la plus tristement célèbre de cette loi religieuse étant le Chevalier de la Barre. Il fut accusé en 1765 de blasphème pour avoir chanté deux chansons libertines irrespectueuses à l’égard de la religion et être passé devant une procession en juillet 1765 sans enlever son couvre-chef. Après dénonciation, une perquisition menée au domicile de La Barre amène à la découverte de trois livres interdits (dont le Dictionnaire philosophique de Voltaire et des livres érotiques) : plus de doute pour les juges d'alors : il est coupable. Arrêté le 1er octobre 1765 à l’abbaye de Longvillers il est condamné à mort. Voltaire prendra sa défense au nom de la tolérance, faisant du Chevalier de la Barre l'exemple de l'absurdité des lois religieuses.

 

Un peu d'histoire concernant le blasphème :
Les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 suppriment la notion de blasphème du droit français, tant qu'il n'y a ni abus ni trouble à l'ordre public.
La notion de blasphème est réinstaurée sous la Restauration et elle est à nouveau abrogée dans les années 1830.
L’insulte d’une religion reconnue par l’Etat (en vertu du Concordat en vigueur jusqu’en 1905) conduit toutefois encore à des condamnations de militants anti-cléricaux pour leurs écrits, alors même qu’ils ne visent pas d’individus en particulier.
Cette possibilité de condamnation est finalement supprimée avec les lois du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Cependant, le rattachement de l'Alsace et la Moselle en 1918 a réintroduit la notion de blasphème dans le droit français, via l'incorporation de l'article 166 du code pénal allemand qui punit le blasphème de trois ans de prison.
 

Les églises, à commencer par l'Eglise catholique ne vont cependant jamais désarmer pour obtenir la répression du blasphème, signe de leur prétention, contraire à la laïcité, d’imposer dans l’espace public leurs normes particulières.
On assiste ainsi à une recrudescence du mouvement anti-blasphème depuis les années 1980.

 

Certains représentants de l'Islam ont également relancé l’appel à condamnation du blasphème.
Le 14 février 1989, l’ayatollah Khomeiny, prononçait en tant que jurisconsulte un décret qui condamnait à mort Salman Rushdie, auteur des  Versets sataniques (publié le 26 septembre 1988), ainsi que ses éditeurs. Et il enjoignait les « musulmans zélés » « de les exécuter où qu’ils se trouvent », pour en faire un combat exemplaire contre le blasphème, pour que  « personne n’ose insulter la sainteté islamique ».

 

Plus récemment, l’affaire de « La Cène », une photo représentant l'épisode évangélique et la publication dans un journal hollandais puis dans Charlie Hebdo en France de caricatures du prophète Mahomet donnent lieu à des procès et des menaces de mises à mort des dessinateurs.

 

A chaque fois est invoqué le « respect dû aux religions » pour justifier les menaces ou les condamnations, bref pour justifier l'interdiction du blasphème.
 

En fait c'est un détournement du sens de la tolérance qui signifierait alors "respect des convictions".
Or, au sens où l'entendait Voltaire, aucune idée ne peut exiger le respect, aucun groupe ne peut exiger le respect de ses convictions !
Seules les personnes méritent le respect et aucune attaque contre une idée ne justifie la mise en cause ou l'insécurité de ceux qui la défendent.
Il apparaît désormais "normal" à certains croyants de saisir la justice lorsque leurs convictions, en général religieuses les plus profondes, sont moquées ou tournées en dérision.
Si l'on poursuit ce raisonnement, les idées ou les convictions, politiques ou religieuses ne pourraient plus être critiquées.
Au nom du "respect" et de la "tolérance" les religieux remettent en réalité en cause frontalement la liberté de pensée et d’expression.

 

L’Union européenne dont la fondation est étroitement liée a la Démocratie Chrétienne n’interdit pas la punition du blasphème.
De nombreux pays en Europe le condamnent donc: c'est le cas du code pénal allemand et du code pénal autrichien qui font clairement référence au blasphème.
L’article 140 du code pénal danois prévoit une peine de détention pour celui qui, publiquement, ridiculise ou insulte le dogme ou le culte d’une communauté religieuse.
En Finlande, l’article 1er du code pénal punit de réclusion quiconque « aura publiquement blasphémé dieu ».
Des dispositions de même nature se retrouvent dans les législations pénales grecque, italiennes, néerlandaise, suédoise ou norvégienne.

 

Les Pays-Bas vont ôter de leur arsenal pénal un article qui punissait le blasphème.
Il va être remplacé par une disposition qui condamne la discrimination, les “insultes graves” et les propos “inutilement blessants” à l’égard des individus, sur la base de “leur race, leur orientation sexuelle et leur religion”.
En définitive, la réforme fait craindre une restriction de la liberté d’expression dans un pays qui a vécu plusieurs épisodes tumultueux au cours des dernières années. 

 

En Irlande, critiquer une religion pourra désormais être puni d'une amende de 25 000 euros.
La loi sur la diffamation est entrée en vigueur ce 1er janvier 2010.
Son article 36 crée un délit de blasphème. La loi s'applique à toutes les religions, pas seulement au catholicisme dominant en Irlande.
Les militants laïcs irlandais ont mis en avant le ridicule de la notion même de blasphème puisque les représentants de chaque monothéisme sont blasphématoires aux yeux des représentants des autres.

 

Jésus lui-même, dans l'évangile selon Jean profère des attaques contre le judaïsme.
Et Jésus a justement été condamné pour blasphème
… ce qui montre le caractère impraticable de la répression du blasphème du moment où la liberté de conscience est reconnue dans une société 
...   ...   ... 

 

Article mis en 2010
sur le Blog de Jean-Luc Mélanchon

Blasphème bénitier

 

Le blasphème en Philo

 

Mémo d'étude philosophique du blasphème et du Sacrilège

 

Au sens habituel, le blasphème se définit comme une offense verbale (orale ou écrite) contre une religion en générale ou l’un de ses dogmes en particulier.
 

Ce caractère verbal distingue le blasphème du sacrilège, qui consiste en un acte offensant une religion. 

Pratiquement, cette distinction importe peu, car blasphème et sacrilège provoquent souvent les mêmes réactions, allant jusqu’à la mise à mort : le Chevalier de la Barre fut décapité (et son cadavre brûlé) en 1766 pour ne s’être pas découvert devant une procession religieuse (exemple de comportement jugé sacrilège) ; le traducteur japonais des Versets sataniques de Salman Rushdie (exemple de roman jugé blasphématoire) a été assassiné en 1991. L’auteur lui-même a fait l’objet d’une fatwa (condamnation à mort). 

Le blasphème est donc l’équivalent verbal du comportement sacrilège : tous deux s’en prenant au sacré, il s’agit dans les deux cas d’une offense jugée intolérable par les religieux, ou plutôt par certains religieux : de nombreux croyants sincères, de toute religion, rejettent en effet l’idée même de blasphème, accordant à ceux qui le veulent le droit de tourner la religion en ridicule ou de la critiquer de toutes les manières possibles. Il faut alors insister sur le fait que le blasphème ne porte pas sur les religieux, mais bien sur la religion et qu’à ce titre, il ne constitue pas une insulte, car on n’insulte pas une idée ou un système de pensée, mais un certain type de critique ; inversement, une insulte contre les religieux (comme l’affirmation « Tous les croyants sont stupides ») ne peut prétendre être un blasphème.

La question du droit au blasphème relève donc de celle de la liberté d’expression et plus précisément du droit de critiquer les religions, ainsi que de la question de la forme et des limites de cette critique.

 

Du point de vue religieux, se pose la question de savoir ce qui constitue le caractère offensant du blasphème ; autrement dit : où finit la “simple” critique, celle qu’on peut et même qu’on doit accepter, et où commence l’offense (le blasphème) et donc l’inacceptable ?

Le simple fait de dire « Dieu n’existe pas » constitue-t-il par exemple un blasphème ?

 

Dans les faits, le blasphème n’est la plupart du temps considéré comme tel que s’il comporte une dimension jugée “violente”, méprisante ou simplement humoristique (indépendamment du bon ou du mauvais goût de cet humour).
Il semble donc que ce soit moins le contenu d’une idée que la manière dont elle est exposée qui constitue le blasphème.
Quoi qu’il en soit, ce dernier n’est défini que par les religions elles-mêmes.

 

Seul un Etat religieux peut donc intégrer le concept de blasphème dans sa loi, mais en aucun cas un Etat laïc, à moins d’envisager un blasphème non plus anti-religieux, mais “anti-républicain” par exemple : certains chanteurs de rap ont récemment suscité contre eux des réactions de “républicains” semblables à celles de religieux contre les blasphémateurs.
 

Le point commun semble bien être que, dans tous les cas, le “blasphème” s’en prend à ce que certains considèrent comme sacré, même si l’on ne reconnaît pas toujours que, selon la Marseillaise par exemple, il existe un « amour sacré de la Patrie ».
Il importe donc de savoir si l’on doit comprendre les différents types de sacré, et donc les différents types de blasphème qui leur correspondent, de la même manière, et s’il faut les traiter juridiquement de la même manière.

 

Il est intéressant de remarquer qu’historiquement, les blasphémateurs ne sont pas toujours des provocateurs ni même des personnes particulièrement hostiles à la religion.

Ainsi certains scientifiques comme Galilée ou Darwin se sont vus, à juste titre en un sens, accusés de blasphème.

Le premier, Galilée, affirmant que la terre tourne autour du soleil (et non l’inverse), remit en effet en cause le dogme religieux selon lequel l’homme, étant le “chef-d’œuvre de la Création”, devait nécessairement se situer en son centre. Il n’a été “réhabilité” qu’en 1992.

Le second, Darwin, a soutenu que les espèces vivantes évoluent morphologiquement, s’adaptant ainsi à leur milieu, ce qui suppose qu’elles ne sont pas initialement aussi “parfaites” que possible. L’Eglise a longtemps vu là une remise en cause de la perfection de leur créateur, et donc un blasphème, même si elle admet aujourd’hui que la théorie de l’Evolution est « plus qu’une hypothèse ».

Le caractère blasphématoire d’une idée dépend donc parfois de l’époque à laquelle elle est énoncée.

 

Quant à la philosophie, elle consiste en un sens à se poser des questions (sur la nature, l’homme, le bien et le mal, …) auxquelles les religions prétendent apporter des réponses complètes, indiscutables et définitives (car inspirées ou même dictées par Dieu) : si les philosophes se posent malgré tout ces questions, c’est qu’ils ne considèrent pas a priori les réponses religieuses comme indépassables, mais au contraire comme pouvant être vagues, incomplètes ou même fausses.
A quoi bon sinon les poser à nouveau ?

Ainsi, c’est en quelque sorte pour cause de blasphème que Spinoza, élevé dans la culture juive, fut banni de sa communauté en 1655, à l’âge de 23 ans.
Son blasphème ? Avoir “discuté” certaines thèses judaïques.

Giordano Bruno, lui, est mort sur le bûcher en 1600, condamné par un tribunal catholique, pour avoir énoncé et refusé d’abjurer de nombreux blasphèmes (« l’univers est infini » par exemple).

 

Or le simple fait d’interroger les dogmes religieux (Spinoza), et a fortiori de les contester (Giordano Bruno), peut être considéré par certains religieux comme blasphématoire.

 

C’est pourquoi ils considèrent que la philosophie est par essence une activité nocive ou au moins suspecte, à moins qu’elle ne se présente que comme « la servante de la théologie » (selon l’expression médiévale), autrement dit comme ne servant par définition qu’à confirmer par la raison les dogmes de la foi.

Il n’y a certes là plus de risque de blasphème, mais peut-on encore parler de philosophie ?

Ainsi donc, peut-on philosopher sans risquer de blasphémer ?

Partager sur: Partager sur Twitter Partager sur Facebook Partager sur Google+