La Théologie du Corps
La Téologie du Corps : un regard catholique sur l'amour et la sexualité, d'après Jean-Paul II
George Weigel, biographe de Jean-Paul II dit :
"La Théologie du Corps sera probablement regardée comme un tournant, non seulement dans la théologie catholique, mais aussi dans l'histoire de la pensée moderne."
QU'EST-CE QUE LA THEOLOGIE DU CORPS ?
La "Théologie du Corps" est la vision intégrale de la personne humaine - corps, âme et esprit - développée par le Pape Jean Paul II. Comme il l'explique, le corps humain a une signification précise ; il porte des réponses aux questions les plus essentielles de notre existence :
La vie a t-elle un sens et, si oui, quel est-il ?
Pourquoi avons-nous été créés homme et femme ? que nous soyons de l'un ou l'autre sexe importe t-il vraiment ?
Pourquoi l'homme et la femme étaient-ils, au commencement, appelés à la communion ? Qu'est-ce que l'union conjugale d'un homme et d'une femme dit de Dieu et de son plan pour notre vie ?
Quel est le sens des vocations au mariage et au célibat ?
Qu'est-ce qu'aimer ?
Est-il vraiment possible d'être des "coeurs purs" ?
Les catéchèses du mercredi
Jean-Paul II a consacré 129 catéchèses du mercredi, entre 1979 et 1984, à répondre à ces questions et de nombreuses autres.
Ses réflexions s'appuient fortement sur les Écritures, principalement sur les Évangiles, les lettres de Saint-Paul et la Genèse.
Elles développent une vision de l'homme vraiment positive - loin du manichéisme ou de la crainte du corps que la société prête parfois, à tort, à l'Église. Pour cela, Jean-Paul II évoque l'homme originel, "au commencement", tel qu'il a été créé et voulu par Dieu, avant de décrire l'homme tel qu'il est aujourd'hui, après le "péché originel", et le plan de Dieu pour son avenir.
Il montre ensuite comment les vocations du mariage et du célibat éclairent notre identité et notre appel à vivre de l'amour de Dieu.
George Weigel, biographe de Jean-Paul II, a qualifié ces enseignements datant du début de son pontificat de "bombe à retardement théologique", affirmant qu'ils portent le changement théologique le plus profond que l'Église ait connu depuis des siècles sur "chacun des thèmes majeurs du Credo".
Cependant, cet enseignement est encore peu connu : pensée dense et souvent mal traduite, elle ne fait l'objet que de peu de commentaires en langue française. Sans avoir l'ambition d'en faire un commentaire exhaustif, le site web "La théologie du Corps" a pour objectif de faire connaître et de promouvoir les enseignements du Pape, dans un langage le plus clair et accessible possible.
Si les répercussions théologiques sont importantes, elles ne sont pas l'essentiel : cette parole peut marquer chacun de nous, aujourd'hui. Loin d'être accessoire dans nos vies, la manière dont nous comprenons et vivons la corporéité et la sexualité est "au coeur de toute la Bible". Elle nous entraîne dans la "perspective de l'évangile, de l'enseignement et de la mission du Christ tout entiers" : cette mission, selon Jean-Paul II, est de "se marier" avec nous, de nous faire entraîner dans une union d'amour éternelle avec le Père.
L'union sexuelle proclame et préfigure l'union du Christ et l'Église. En rétablissant le lien entre la sexualité et le mystère chrétien, Jean-Paul II ne se contente pas d'ouvrir des nouvelles perspectives pour le mariage et la famille, mais permet à chacun de redécouvrir le sens de notre existence entière, le sens de notre vie.
INTRO A LA THÉOLOGIE DU CORPS.
"Le corps, et lui seul, est capable de rendre visible l'invisible : le spirituel et le divin. Il a été créé pour amener dans la réalité visible du monde le mystère caché de toute éternité en Dieu, et ainsi en être le signe."
— Jean-Paul II, Audience du 20 février 1980, TDC 19,4
Cette citation est la thèse soutenue Jean-Paul II dans ces catéchèses. Le corps nous permet non seulement de voir quelque chose de ce mystère invisible, mais également d'y entrer, d'y participer, de le goûter.
Le corps est un antidote à l'abstraction spirituelle : nous sommes tous tentés de voir Dieu comme un concept, une idée théologique, ou de considérer l'experience de la foi comme exclusivement spirituelle et déconnectée de toute expérience concrète. Le Dieu que révèle la Bible n'est pas un concept : c'est une communion éternelle de trois Personnes divines, dont l'une a demeuré parmi nous dans la chair.
Jean-Paul II l'affirme1 : "lorsque le Verbe s'est fait chair, le corps est entré dans la théologie par la grande porte". Nos questions sur le sens du corps humain nous entraînent sur une route qui nous mène de l'union sexuelle à l'union du Christ et de l'Eglise, puis dans le mystère de la Trinité.
Sur cette route, nombreux sont les obstacles : nos tabous et nos craintes face au mystère de notre corporéité, homme et femme, peuvent aisément nous faire dérailler. L'ennemi ne cesse de nier la réalité de l'incarnation. Face à tant d'obstacles, il est compréhensible que l'histoire du corps en théologie ait un passé mouvementé... Si un certain nombre de penseurs chrétiens ont contribué de manière décisive à comprendre de manière juste la beauté du corps humain, on peut trouver dans les écrits d'autres homme d'église ce qui peut apparaître comme une suspicion à l'égard du corps.
La Théologie du Corps de Jean-Paul II, en s'appuyant sur les saines fondations du passé - notamment dans la tradition mystique - rejette et corrige clairement cette suspicion. Preuve de la difficulté de l'exercice : il a fallu 2000 ans à l'Église pour parvenir à formuler intégralement cette théologie.
Aujourd'hui, cette route en est à une étape cruciale : la modernité, qui a conduit la culture occidentale à placer au début du vingtième siècle son espérance dans le progrès technique infini et dans sa suprématie sur l'exigence de sens, a rapidement échoué, produisant les régimes les plus meurtriers de l'histoire ; l'exigence de subjectivité, inhérente à une pensée fortement marquée par le "je pense donc je suis", s'est heurtée à une expression trop objective de la morale chrétienne, entraînant un rejet de celle-ci : la révolution sexuelle, au-delà de la liberté immédiate qu'elle a apporté, a induit l'idée du corps-objet, dont les ravages sont sans doute plus durs encore.
Ce tableau noir ne doit cependant pas être une cause de pessimisme : mais "c'est là un sentiment injustifié: nous avons foi en Dieu, Père et Seigneur, en sa bonté et en sa miséricorde. Alors que nous sommes proches du troisième millénaire de la Rédemption, Dieu est en train de préparer pour le christianisme un grand printemps que l'on voit déjà poindre." Jean-Paul II invite à "franchir le seuil de l'espérance".
LE CORPS, THEOLOGIQUE ?
Le Corps, sacrement
Lorsque l'on nous dit 'théologie', peu d'entre nous pense 'corps' ; à l'inverse lorsque l'on parle du corps, nous ne faisons pas nécessairement le lien avec Dieu. L'expression 'Théologie du Corps' peut ainsi sembler une construction artificielle entre deux réalités qui n'ont rien à voir.
Cela démontre à quel point la vision du monde cartésienne s'est ancrée dans nos esprits et comment nous nous sommes éloignés d'une vision véritablement chrétienne (ie. qui prend en compte l'incarnation) du monde. Saint-Paul nous dit clairement à quel point ces deux réalités sont liées : "Le corps est [...] pour le Seigneur Jésus, et le Seigneur est pour le corps"
En effet, nous ne pouvons voir Dieu ; cependant, le Verbe (Logos) s'est fait chair et il a habité parmi nous et ainsi s'est rendu visible. Le Catéchisme de l'Eglise Catholique affirme que dans le corps de Jésus, " Dieu qui est par nature invisible est devenu visible à nos yeux ".
Rendre visible l'invisible, c'est ce que Jean-Paul II entend par 'sacrement' (dans un sens plus large que les 7 sacrements) : le corps humain est sacrement de la personne dans la mesure où il indique qu'il y a chez lui plus que chez les animaux ; le corps du Christ est sacrement de la personne divine.
Ainsi le corps humain n'est pas seulement biologique, mais également théologique. Une vision qui considérerait que le corps n'est qu'un point de référence biologique empêche de comprendre et de vivre la sexualité dans sa signification complète.
Selon le Pape, seul le corps est capable de rendre visible l'invisible. Contrairement à l'idée largement répandue (même chez les catholiques, malgré son caractère complètement hérétique), la personne humaine n'est pas un esprit piégé dans un corps ; le corps n'est pas une carapace. L'être humain est une union profonde d'un corps et d'une âme : la personne humaine n'a pas un corps, elle 'est' un corps. Nous ne somme pas des esprits incarnés, mais des corps spirituels.
Signe du mystère caché en Dieu
Quel est le "mystère tenu caché depuis toujours en Dieu" ? Comment le corps en est-il le signe ?
N'entrons pas avec trop de désinvolture dans ces questions, puisque le Saint-Père y a consacré patiemment 129 catéchèses.. nous ne commençons ici qu'à égratigner la surface de la surface..
Quelques indications préliminaires toutefois : dans le christianisme, le mot 'mystère' ne signifie pas une énigme divine à résoudre, ni une connaissance réservée à des initiés: il indique la profondeur d'une réalité qu'on ne peut concevoir parfaitement, toujours plus à découvrir, l'identité profonde de Dieu. Ce mystère, indicible et incommunicable, et l'homme ne peut y accéder par ses propres forces : c'est le Mystère qui choisit de venir à notre niveau et de se révéler (et il l'a fait). Le Catéchisme l'exprime ainsi :
" Dieu est Amour " (1 Jn 4, 8. 16) : l’Être même de Dieu est Amour. En envoyant dans la plénitude des temps son Fils unique et l’Esprit d’Amour, Dieu révèle son secret le plus intime (cf. 1 Co 2, 7-16 ; Ep 3, 9-12) : Il est Lui-même éternellement échange d’amour : Père, Fils et Esprit Saint, et Il nous a destinés à y avoir part.
Dieu n'est pas un tyran, ni un esclavagiste ; Il n'est pas un vieil homme barbu assis sur un trône et près à nous frapper de ses foudres si nous le trahissons. Il n'est pas non plus une 'force impersonelle' à l'origine du cosmos. Dieu s'est révélé en Jésus-Christ, par le Saint-Esprit, comme éternellement échange d'amour.
Le Catéchisme insiste en déclarant que la seule raison de notre création est pour que nous partagions son amour et sa bonté : Dieu n’a pas d’autre raison pour créer que son amour et sa bonté
Ainsi, tout est don et le bonheur et l'épanouissement ne peuvent être trouvés que dans l'accueil de ce don. Toute aspiration humaine, toute blessure est signe de notre soif de recevoir ce don - c'est à dire de participer à cet échange d'amour éternel. C'est cette réalité théologique que le corps humain signifie.
Qu'est-ce qui nous permet de voir cet appel dans le corps humain ? Le Pape Jean-Paul II affirme que c'est précisément la beauté gratuite de la différence sexuelle et de l'appel à l'homme et à la femme à devenir"une chair" (Gn 2,24):
Le sacrement, c'est à dire le signe visible, est constitué de l'Homme, [...] à travers sa 'masculinité' et sa 'féminité' visibles. [...] Dans ce contexte sacramentel, nous comprenons maintenant pleinement les mots qui constituent le sacrement du mariage, dans Gn 2,24:"l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un."
En d'autres mots, dans le plan de Dieu, c'est l'union conjugale qui communique au monde et signifie le mieux le 'grand mystère' de la Trinité. Le cardinal Angelo Scola complète en disant que la sexualité humaine est un "écho dans la créature du Mystère insondable dont le Christ a levé le voile : l'unité dans la diversité de la Trinité, les trois personnes qui ne sont qu'un Dieu. [...] le mot approprié ce mystère impénétrable est 'Communion'".
Le Mystère est infiniment plus grand que le corps qui le signifie ; toutefois, le corps permet non seulement de voir ce Mystère, mais d'en faire l'expérience. Le signe du sacrement est efficace, c'est la logique de l'Incarnation. Le Catéchisme exprime cela ainsi :
Dans la vie humaine, signes et symboles occupent une place importante. L’homme étant un être à la fois corporel et spirituel, exprime et perçoit les réalités spirituelles à travers des signes et des symboles matériels. Comme être social, l’homme a besoin de signes et de symboles pour communiquer avec autrui, par le langage, par des gestes, par des actions. Il en est de même pour sa relation à Dieu.
Le lien entre théologie et anthropologie
A nos yeux (obscurcis par le péché), une telle affirmation semble presque trop osée : comment notre corps, 'terre-à-terre', peut-il avoir vocation à révéler une réalité divine si grande ? Ce lien entre théologie et anthropologie est l'un des principaux enseignements reçus du Concile Vatican II. Quelques soient nos peurs, Jean-Paul II insiste que nous devons nous y ouvrir "avec foi, ouverture d'esprit et de tout cœur"
Par l'Incarnation, le lien entre ces deux réalités est le corps humain. Le corps du Christ est "tabernacle de gloire,[...] où le divin et l'humain se rencontrent dans une étreinte qui ne pourra jamais être brisée" et le Christ est "visage humain de Dieu et visage divin de l'homme".
Le christianisme est souvent accusé de diaboliser le corps : le diable diabolise le corps et en accuse l'Eglise.. au contraire, l'Église divinise le corps ! Le Catéchisme, citant Saint Athanase, nous apprend que "le Fils de Dieu s'est fait homme pour nous faire Dieu", suivant ainsi les Écritures qui affirment que dans le corps, par le Christ, "habite la plénitude de la divinité".
Le scandale du Corps
Les paradoxes et implications de l'Incarnation n'ont cessé de stupéfier les chrétiens (et ne cessent de nous surprendre) : une divinité purement spirituelle est bien plus pratique et bien plus attrayante qu'un Dieu qui a choisi un corps humain.
Les Chrétiens sont ceux qui, face à ces paradoxes et implications, affirment "je crois" (credo). L'Église catholique reste en émerveillement face à ce mystère, honorant les entrailles qui L'ont porté et le sein qui L'a nourri. Une suspicion à l'égard du corps couvre toute l'expérience humaine. Les chrétiens ont été - et sont - parfois affectés par cette suspicion, mais l'Église a défendu la bonté du monde physique et le caractère sacré du corps humain contre nombre d'hérésies.
L'Église combat encore aujourd'hui la dichotomie hérétique "esprit = bien / corps = mal" dont beaucoup croient encore qu'il s'agit d'une croyance véritablement chrétienne.. comment insister suffisament ? Le christianisme ne rejette pas le Corps ! Le Catéchisme le proclame:
La chair est le pivot du salut. Nous croyons en Dieu qui est le créateur de la chair ; nous croyons au Verbe fait chair pour racheter la chair ; nous croyons en la résurrection de la chair, achèvement de la création et de la rédemption de la chair
Nous faisons l'expérience de la présence de Dieu de la manière la plus intime dans notre corps, et les sacrements sont les signes visble de la réalité invisible de l'action de Dieu. Le mariage n'est pas juste l'un des sacrements : dans la mesure où il nous indique "depuis le commencement" le mystère de l'union du Christ et de l'Église, il est selon Jean-Paul II le fondement de tout l'ordre sacramentel. Cela signifie qu'il est le prototype de tous les sacrements : le but de chacun étant de nous unir avec le Christ (l'Epoux), ce mysticisme nuptial est très présent dans le catholicisme et dans la Théologie du Corps.
Pour en savoir plus, il y a le Site "La Théologie du Corps"