Extraits de N-D de la Sagesse de Zundel
Extraits du livre "Notre-Dame de la Sagesse" du Père Maurice Zundel. (1897-1975)
Partage de Josette Pelletan
qui a été touchée par ce Livre et par les Homélies de son Auteur, le père suisse Maurice Zundel. (1897-1975).
Notre Dame de la Sagesse (Maurice ZUNDEL) Pages 71, 72, 73, 74, 75.
Quel sera le sort de cette parole qui s’échappe de vos lèvres et qui tombe dans l’oreille de vos auditeurs ?
Quelle figure va-t-elle prendre dans leur esprit en ricochant sur l’onde mystérieuse de leur pensée mouvante ?
On prend pour accordé que les mots ont pour tout le monde, dans une même langue, un sens identique. Les dictionnaires en définissent avec rigueur la signification.
Mais quelle différence de niveau dans l’intelligence de la valeur signifiée! Comme un galet rebondit sur la surface étale d’une eau limpide, en dessinant des cercles de plus en plus étendus, mais s’engloutit à peine jeté quand les flots sont déchaînés, le mot que vous lancez peut se répercuter sans fin dans un esprit diaphane, pour s’anéantir sans écho dans une âme scellée en son propre tumulte.
Chacun l’entend selon ce qu’il est et l’interprète en fonction de son expérience où est engagé tout le mystère de sa personne.
Quelle réalité celle-ci pourra-t-elle accorder à vos paroles, sinon celle qui ne blesse point sa propre réalité ?
Elle a pour se dérober des moyens innombrables, depuis le refus d’écouter jusqu’à l’acquiescement respectueux.
On peut s’offrir, en effet, le spectacle d’une belle architecture d’idées sans accepter pourtant d’y établir sa demeure et rendre hommage à la splendeur de l’ordre sans se prêter à ses exigences.
On n’a pas assez remarqué cet anthropomorphisme de notre connaissance, notre tendance à donner à la vérité notre propre visage.
Il faudrait renaître pour connaître, être entièrement neuf et n’offrir qu’une pure transparence à la Lumière ; il faudrait être parfaitement désintéressé pour se laisser modeler, sans partialité, par toutes les données intelligibles de l’expérience humaine :
il faudrait être pauvre selon l’esprit.
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La culture raffinée de certains esprits demeure souvent absolument stérile faute de ce dénuement préalable en eux, de cette pureté du cœur qui pacifie en nous l’homme de désirs pour nous laisser vaincre par la seule évidence du vrai.
On s’étonne souvent du caractère impulsif de leurs réactions, de l’appui qu’ils donnent aux entraînements de l’opinion, du manque de respect qu’ils affectent pour la personne humaine quand elle n’est pas dans leur camp.
Mais comment être universel, comme doit l’être une pensée fidèle à son propre mouvement, si l’on ne perçoit la valeur infinie engagée dans toutes les démarches de l’esprit, ce quelque chose de divin qui confère aux travaux des plus nobles savants le prestige du sacré et qui fait apparaître la recherche comme un dialogue silencieux, où leur rôle est d’écouter la vérité comme une Personne.
N’y a-t-il pas, en effet, en toute rencontre avec l’être, une secrète confrontation avec le Verbe de Dieu par qui tout a été fait ?
On ne voit pas pourquoi l’homme se sacrifierait à la Vérité comme tant de chercheurs l’ont fait ou ont conscience de devoir le faire, si elle n’était plus qu’eux-mêmes, si elle ne dépassait l’ordre des choses.
L’intellectualisme vrai comporte un échange de vie qui est senti la plupart du temps plus qu’il n’est reconnu. On cède à une présence mystérieuse, on offre sa vie pour qu’une Vie s’y exprime, laquelle est infinie. C’est pourquoi la recherche s’approfondit sans cesse et ne s’achève jamais, revêtant d’ailleurs toujours davantage le caractère d’une communion dont toute formule n’est qu’un précaire symbole.
Il y a donc déjà sur le plan de la connaissance scientifique une exigence de purification, faute de quoi le dialogue tournera en duel où la vérité succombera, d’une manière ou d’une autre, à la contrainte que lui feront subir les limites du sujet.
Le vrai savoir est une forme d’obéissance.
Père Maurice Zundel. Notre-Dame de la Sagesse