Le grain de sénevé
Le grain de sénevé
Jésus parle en paraboles (comme d’autres à son époque) afin que ses auditeurs ne restent pas passifs en l’écoutant ; chacun doit fournir un effort d’interprétation pour comprendre une histoire qui le concerne.
Pour être entendu de tous, Jésus utilise ainsi des petites histoires très concrètes où il fait référence à la vie quotidienne et dont la mise en scène est extrêmement simple. Mais, contrairement aux apparences, il exprime dans les paraboles des vérités très profondes.
Pour comprendre, il est nécessaire d’ouvrir non seulement nos oreilles mais aussi nos cœurs afin d’être attentifs jusqu’aux plus petits détails des paraboles.
Un homme jette de la semence en terre.
C’est une scène qui devient de plus étrangère aux gens que nous sommes, sauf ceux qui ont la chance d’avoir encore un petit jardin. Il nous est cependant assez facile d’imaginer cette scène toute simple : le semeur sème de la semence, et quoi qu’il fasse, la semence germe toute seule et grandit par elle-même. Après un temps nécessaire de mûrissement et de croissance invisible dans la terre, où la semence passe par différents stades, le semeur se transforme en moissonneur et récolte.
Le grand intérêt des paraboles réside dans la multiplicité étonnante des interprétations que l’on peut en faire.
Ici, par exemple, on peut se demander quel est ce semeur-moissonneur ?
Il peut s’agir de Jésus, venu pour ensemencer l’humanité de sa Parole de vie.
L’intérêt se porte alors sur l’extraordinaire puissance de croissance qui réside dans la semence elle-même. La parole que Jésus sème est puissante dans ses effets chez tous ceux qui l’accueillent dans leur terre. Quand cette semence trouve quelqu’un pour l’accueillir, elle ne reste jamais passive et elle porte beaucoup de fruits dans la vie du disciple.
Comment accueillons-nous la Parole de Jésus ?
Sommes-nous un terrain propice à sa croissance ?
Mais le semeur peut aussi être le disciple qui est envoyé semer la Bonne Nouvelle de Jésus.
Qu’il dorme ou qu’il soit éveillé, la semence de la Parole du Christ qu’il a semée en la proclamant agit de manière cachée, mais avec une fécondité certaine.
La parabole met alors en évidence, non seulement l’extraordinaire puissance de vie la Parole de Jésus, mais aussi l’indispensable travail d’annonce des disciples qui apparaissent comme des semeurs : la petite semence que Jésus a remise dans les mains des disciples ne pourra produire du fruit que dans la mesure où ils la sèmeront sans jamais désespérer parce qu’ils n’en voient pas les effets.
Les disciples de Jésus doivent accepter de collaborer avec le temps.
L’histoire de la semence devient pour nous une belle parabole de l’espérance chrétienne !
Cette semence pourrait être encore une image de la vie même de Jésus.
Mise en terre, elle est comme morte en apparence. C’est avec la certitude que cette petite semence deviendra des épis, qui seront porteurs de beaucoup de semence, que le semeur sème dans la perspective de la récolte. La mort de Jésus est le passage obligé pour que la Bonne Nouvelle porte du fruit et pour que sa vie donnée soit féconde. C’est ce que Jésus dit dans l’évangile de saint Jean, peu avant sa passion : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits » (Jn 12,24).
Ainsi donc, Jésus est à la fois semence et semeur, et il en est de même du disciple.
Dans le Royaume de Dieu, le disciple est appelé à devenir comme le Maître, semence de Bonne Nouvelle et semeur de la Parole. Comme semeur, il est dépositaire d’une Parole divine dont les effets lui échappent. Comme semence, il est appelé à devenir lui-même, par toute sa vie, parole d’espérance semée dans la terre du monde. Nous sommes destinés, nous aussi, à semer partout la Bonne Nouvelle du Christ, dans la certitude de sa puissante fécondité au cœur du monde, même au cœur des intolérables déserts de mort et de souffrance où l’espérance est en agonie, comme en Syrie en ces jours douloureux. Mais nous sommes aussi appelés, comme cette semence, à nous dessaisir de notre propre vie pour qu’elle soit porteuse de vie.
La 2e parabole décrit la croissance paradoxale d’une toute petite semence qui devient la plus grande de toutes les plantes du jardin où les oiseaux du ciel viennent faire leurs nids.
Il est possible de l’interpréter aussi de plusieurs manières : je vous invite à essayer vous-mêmes. Arrêtons-nous simplement sur le paradoxe du récit : la plus petite des graines devient la plus grande des plantes.
La Parole de Jésus (ou la personne de Jésus qui est Parole vivante et agissante de Dieu au milieu de nous) est comme une toute petite semence presque imperceptible aux yeux des non initiés. Pour la remarquer il faut la connaître : elle n’est visible qu’avec les yeux de la foi.
Voilà une vérité fondamentale de l’Évangile : ce qui compte aux yeux de Dieu est insignifiant aux yeux des hommes !
C’est dans la mort dérisoire du Crucifié que s’est jouée la vie des multitudes.
C’est à l’ombre des branches de la Croix du Christ, plantée dans le jardin du monde, que les hommes et les femmes de tous les peuples peuvent trouver une place.
Jésus n’est pas venu avec puissance parmi les hommes ; le croyant reconnaît en lui l’extraordinaire puissance de Dieu qui se manifeste dans la discrétion. Seul le disciple peut pressentir dans l’espérance, l’action secrète de Dieu au cœur du monde et s’en faire le témoin. Il sait la fécondité cachée du mystère du Christ et que c’est aussi dans sa propre faiblesse que peut se manifester paradoxalement la puissance d’un Dieu qui sauve.
La vie du disciple, comme celle du Maître, s’inscrit dans cette vérité paradoxale.
Nous avons entrevu la richesse du langage parabolique de Jésus.
Ses histoires sont faciles à retenir, même par les enfants qui savent en mémoriser tous les détails souvent mieux que les adultes. Dans le langage extrêmement simple des enfants, des petits et des pauvres, elles expriment la richesse du mystère chrétien, sans jamais l’épuiser.
Que l’Esprit nous ouvre à l’intelligence de ces paraboles que Jésus a racontées à ceux qui venaient à lui sur les routes de Galilée et qui gardent une étonnante actualité pour nous qui venons aujourd’hui encore l’écouter.
N’hésitons pas à les raconter à nos enfants qui sauront probablement nous aider à en percer les secrets.
Texte du 17 juin 2012 du Frère François-Dominique CHARLES op
Merci au Monastère de Chalais
Moniales dominicaines